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Archive for the ‘Carnet Sienne brûlée’ Category

Un roman de Jean-Laurent Del Socorro publié aux éditions ActuSF.

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Présentation de l’éditeur :

Angleterre, an I. Après la Gaule, l’Empire romain entend se rendre maître de l’île de Bretagne. Pourtant la révolte gronde parmi les Celtes, avec à leur tête Boudicca, la chef du clan icène. Qui est cette reine qui va raser Londres et faire trembler l’empire des aigles jusqu’à Rome ?

À la fois amante, mère et guerrière mais avant tout femme libre au destin tragique, Boudicca est la biographie historique et onirique de celle qui incarne aujourd’hui encore la révolte.

Après Royaume de vent et de colères, premier roman très remarqué qui a reçu le prix Elbakin.net 2015, Jean-Laurent Del Socorro fait son retour avec une héroïne symbole d’insoumission…

« Il n’y a pas de honte à renoncer car seuls les dieux ne connaissent pas la peur. Je ne vous jugerai pas. Je vous pose simplement la question : serez-vous, aujourd’hui, à mes côtés ? »

Boudicca, reine, guerrière et insoumise, a beaucoup enflammé les imaginations de nombreux auteurs et continuera sans doute, malgré le temps qui nous en éloigne toujours davantage. Jean-Laurent Del Socorro nous offre sa vision, dessinant par petites touches cette femme d’exception, sa bravoure comme ses failles. Il a su donner à son texte un souffle légendaire, ce petit quelque chose qui fait la différence, qui rend tout plus grand.
Le récit se compose de trois grandes parties, chiffre qui n’est pas anodin, l’enfance de Boudicca, en tant que fille de son père cherchant à imposer sa place au sein de son clan, ses épousailles et la maternité, puis cet instant où elle embrasse son destin de reine. Elle nous apparait d’abord comme une gamine insupportable et fière, cherchant avant tout la reconnaissance de son père. Puis on la voit devenir une adulte, avec ses défauts et qualités, ses contradictions, sa vulnérabilité et sa force, ses doutes et ses convictions. De simple femme, elle devient icône.
Elle est la narratrice de cette biographie romancée et peu à peu le lecteur se fait le réceptacle de ses confidences. Cela crée une intimité qui la rend vite attachante. Boudicca est une jeune femme tenace et intelligente, entière, mais qui gère mal ses propres émotions. Elle connaît la peur, elle assume ses erreurs et ses échecs, elle ne fuit pas ses responsabilités. Elle est maladroite, mais pleine de ferveur, d’amour pour les siens mais aussi de colère. Son humanité, si bien dépeinte par l’auteur, a des accents de sincérité qui, adjoints aux événements, rendent le roman très émouvant.
Pour autant, elle n’est pas le seul personnage fort de ce récit. Chaque membre de son entourage participe à sa manière à la construction du mythe. Certains m’ont particulièrement touchée : Ysbal, sa protectrice pragmatique et téméraire ; Jousse, sa compagne et amie d’enfance irradiant l’amour et la confiance ; et son époux qui, tout en faisant d’autres choix qu’elle, la soutient comme il soutient son peuple, du mieux qu’il peut. Tous ces personnages nourrissent la force de Boudicca, lui insufflent du courage comme elle nous en insuffle à son tour.
Comme dans Royaume de Vent et de Colères, l’auteur revisite l’histoire en y ajoutant sa magie, représentée par la pierre d’équilibre. Cependant, je l’ai trouvé plus subtil dans ce roman et j’ai beaucoup plus apprécié. La magie est diffuse, légère, presque anecdotique. J’ai beaucoup aimé ces moments où le récit versait dans l’onirisme, certains diraient le Temps Légendaire. Suivre Boudicca dans la Paix m’a apaisée de même.
Boudicca est un très bon roman, on ne voit pas défiler les chapitres et pas seulement parce qu’ils sont courts. J’ai aimé voir se construire sous mes yeux ce personnage mythique, voir la femme sous le parangon. Et j’ai tant espéré pour elle alors que je savais ce qui allait se produire… C’est là, à mon sens, la grande force du récit. Je ne peux que vous conseiller cette lecture.
Comme pour son précédent roman, l’auteur clôt l’ouvrage avec une nouvelle qui cette fois nous entraîne des siècles plus tard, sur un autre continent. Elle fait écho au roman de manière très délicate, mais l’adoucit aussi un peu à sa façon en ramenant de l’espoir. Elle nous rappelle qu’on ne peut pas attendre que les autres changent le monde à notre place et qu’il suffit parfois d’un seul pas pour en entraîner d’autres. Le tout est de faire ce qui nous semble juste.

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Découvrez également l’avis de Boudicca sur Le Bibliocosme.

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Une nouvelle de Jean-Laurent Del Socorro, publiée en numérique aux éditions ActuSF.

Vous pouvez télécharger cette nouvelle gratuitement jusqu’au 1er mai sur le site des éditions ActuSF.

Vous pouvez également consulter mon avis sur le roman Royaume de Vent et de Colères qui se situe dans le même univers.

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Bien que je reconnaisse de grandes qualités à Royaume de Vent et de Colères, notamment dans sa construction, qui est particulièrement remarquable, le développement de ses personnages et l’usage de la matière historique, je n’ai pas partagé le coup de cœur quasi unanime de la blogosphère à son sujet, surtout à cause de cette forme de magie qu’il immisce dans l’Histoire. Le récit était grandiose en soi et l’Artbon, aussi intéressant que puisse être le concept, a de beaucoup mitigé mon avis. Puis j’ai lu Boudicca et ai été davantage séduite. J’ai donc enchaîné avec Le vert est éternel, mais sans grandes attentes.
Dans cette nouvelle, on retrouve la compagnie du Charriot déjà évoquée dans Royaume de Vent et de Colères. C’est N’a-qu’un-œil, le capitaine et chroniqueur, qui nous narre un épisode de sa vie, en cette époque trouble où Henry IV tente de mettre fin aux guerres de religions dans le royaume de France.
Petit à petit se dessine la personnalité d’une femme, sage et bienveillante, au mauvais endroit, au mauvais moment. Et tout en voyant venir la fin et malgré la brièveté du texte, on s’attache, on s’émeut… Cette histoire douce-amère est poignante, un message de tolérance et, d’une certaine façon, d’espoir. Elle fait intelligemment écho au contexte actuel et c’est bien triste que nous semblions ne jamais réussir à apprendre de notre propre histoire…

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Un roman de Jo Walton, premier tome de la trilogie du Subtil changement, publié dans la collection Lunes d’encre de Denoël.

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Présentation de l’éditeur :

Huit ans après que « la paix dans l’honneur » a été signée entre l’Angleterre et l’Allemagne, les membres du cercle de Farthing, à l’origine de l’éviction de Churchill et du traité qui a suivi, fin 1941, se réunissent au domaine Eversley. Mariée à un Juif, ce qui lui vaut d’habitude d’être tenue à l’écart, Lucy Kahn, née Eversley, fait cette fois partie des invités. Mais les festivités sont vite gâchées par le meurtre de sir James Thirkie, le principal artisan de la paix avec Hitler. Sur son cadavre a été laissée en évidence une étoile jaune. David, le mari de Lucy, fait donc un coupable tout désigné. Convaincue de son innocence, celle-ci trouvera dans le policier chargé de l’enquête, Peter Carmichael, un allié. Mais pourront-ils, ensemble, infléchir la trajectoire d’un Empire britannique près de verser dans la folie et la haine ? Subtil mélange de roman policier classique et d’uchronie, Le cercle de Farthing est le roman qui a révélé Jo Walton au grand public, bien avant le succès mérité de Morwenna.

1949, alors que l’Allemagne s’enlise dans sa guerre contre les Russes, le Royaume-Uni, qui dix ans plus tôt s’est retiré du conflit européen, est à un tournant de sa politique. À la veille d’un important scrutin, les membres du Cercle de Farthing, courant conservateur à l’origine de cette « paix dans l’honneur, » se réunissent dans leur fief campagnard, domaine dont ils ont emprunté le nom et qui appartient à lord Eversley. C’est là que le plus éminent des leurs, Sir James Thirkie, est assassiné.
Est-ce un meurtre politique ou un crime passionnel ? Thirkie a-t-il été victime des Juifs, des bolcheviks ou des siens ? L’inspecteur Carmichael se voit chargé de démêler ce sac de nœuds mais, bien entendu, David Kahn, époux Juif de Lucy Eversley, est le principal suspect…
Premier tome d’une trilogie uchronique, Le Cercle de Farthing pose les bases de cette Histoire remaniée. On se rend compte que le cours des événements tient parfois à peu de choses… Petit à petit, avec subtilité, Jo Walton nous explique les modifications qu’elle a opérées, tout en nous présentant les artisans de cette paix hypocrite et leurs motivations. Ces marionnettistes se disputant le pouvoir sont-ils à la hauteur de leur rôle ? Quelles turpitudes se cachent derrière leurs bonnes manières ?
Jo Walton a une façon bien à elle de créer une ambiance, on se glisse très facilement dans ses récits. La lire est un vrai plaisir. Au début de ce roman, on a un peu l’impression de tomber dans une partie de Cluedo dont les personnages sortiraient d’un soap vieillot. Cela ne tire pas trop sur la caricature, ça reste amusant. Cela m’a rappelé les enquêtes de l’inspecteur Barnaby, série dont les secrets de famille, décors champêtres et petites machinations en tous genres sont le fonds de commerce.
Jo Walton a opté pour des chapitres courts, qui apportent beaucoup de dynamisme au récit et une double narration. D’un côté, nous avons Lucy et son récit à la première personne. En tant que fille de la famille, elle connaît tous les petits secrets des membres du cercle même si elle a un statut à part. Elle nous conte les événements à mesure qu’elle les vit, ses suppositions, son inquiétude à voir s’accumuler les preuves contre son mari… Ensuite, nous suivons Carmichael dans son enquête, par le regard d’un narrateur omniscient. Les deux personnages se complètent bien et leurs récits s’alternent, ce qui prévient la lassitude du lecteur car chacun a ses défauts autant que ses qualités. Lucy est intelligente et attachante, mais aussi très ingénue. Cette femme pense et parle parfois à tort et à travers. Elle peut agacer sur le long terme, même si elle apporte de la fraîcheur à l’intrigue. Ce n’est pas une héroïne prête à sauver le monde, juste une jeune femme qui a un jour gratté le vernis et s’est rendu compte de ce que valaient ses proches. Pour autant, elle n’a pas encore perdu toutes ses illusions et ne s’est jamais vraiment opposée à eux.
Carmichael est, quant à lui, un homme posé, méthodique et plutôt secret. C’est un personnage agréable à suivre, même si ses chapitres ralentissent quelquefois le récit. Si l’enquête est cohérente et rappelle les polars classiques, elle peut cependant sembler un peu lente. En fait, ce roman se déroule sur moins d’une semaine et le rythme est réaliste, mais les séries télé ont une mauvaise influence sur nous… Disons que cela conviendra mieux amateurs de romans de mœurs que de polars.
Ce n’est pas rocambolesque, mais je n’attendais pas un thriller. J’aime la façon qu’a Jo Walton de décrire les gens, de raconter une histoire sans prétention ni effets de manches. Bien que l’on puisse reconstituer le puzzle en même temps que Carmichael et Lucy, le suspense ne réside pas dans l’enquête, mais dans la capacité des personnages à se sortir de ce panier de crabes. J’ai tremblé pour Lucy et David. Je me suis énervée contre Carmichael qui laissait filer des indices. J’ai tourné à toute allure les pages du dernier tiers.
J’ai passé un excellent moment avec ce roman et j’ai hâte de voir comment Walton développe ses personnages et son uchronie dans les tomes suivants.

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Découvrez également les avis de A.C. de Haenne, Acr0, Cornwall, Dionysos, Lhisbei et Lune.

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Première lecture pour le Challenge Lunes d’encre !

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Un roman de Michèle Astrud publié par les éditions Aux Forges de Vulcain.

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Présentation de l’éditeur :

« Je suis le guetteur de la nuit, le gardien des hautes cimes. Je surveille l’arrivée du désert, l’avancée des tempêtes, bientôt la maison sera ensevelie sous le sable. Seuls ceux qui habitent les étages les plus hauts arriveront à survivre. » Dans un monde en déliquescence, la sécheresse et la canicule font des ravages, l’égoïsme et l’anarchie règnent, et chacun lutte férocement pour sa survie. Antoine, un ancien professeur, rend quotidiennement visite à sa fille Chloé qui, suite à un événement traumatique dont il se sent coupable, souffre de graves troubles de la mémoire et réside depuis des années dans une maison pour enfants malades. Antoine se bat contre l’oubli et la destruction, en photographiant son environnement en train de disparaître, et en reconstruisant sa relation douloureuse avec Chloé. C’est alors que réapparaît Sonia, son amour de jeunesse, devenue documentariste de renom, mais elle meurt avant qu’ils ne puissent tourner la suite du film qu’ils avaient jadis commencé ensemble. Antoine décide de partir sur les routes avec Chloé, dans l’espoir que ce voyage lui permette de sauvegarder les archives de Sonia, et de les sauver eux-mêmes. Dans une atmosphère des derniers jours où l’obscurité gagne, dans une errance où l’oubli croît, Antoine réussira-t-il à assumer son rôle de père ? Chloé arrivera-t-elle à grandir ? Parviendront-ils, ensemble, à retrouver la lumière ?

La canicule s’est installée, l’eau devient une denrée rare et les populations sont quasiment livrées à elles-mêmes. Les gens fuient s’ils le peuvent, mais pour aller où ? Dans ce climat de plus en plus hostile, Antoine essaie de survivre. Il photographie ce pays en déliquescence. Il rend visite à sa fille placée en institution. Il laisse son esprit vagabonder, suivant le courant dans lequel les événements le jettent. Ses souvenirs s’emmêlent, ses aspirations également.
Au début, l’atmosphère est très pesante. Un relent de nausée flotte dans l’air alors qu’on apprend à connaître les personnages et on ne sait pas trop où l’auteur nous emmène. Dans ce roman d‘anticipation, ce n’est pas l’Apocalypse en marche qui importe, mais l’aventure humaine d’un homme et de sa fille, êtres fragiles jetés en pâture à la vie. Antoine est homme passif, voire soumis, qui malgré son idéalisme avait tendance à fuir, à rester en dehors de sa propre existence. Il aimerait bien faire, mais toute sa vie il est demeuré tiède, a évité de vivre ses rêves pour ne pas être déçu. Chloé, quant à elle, est restée enfermée une bonne partie de son exisence. Elle a grandi sans repères, mais elle veut vivre. La fille est abîmée, mais c’est le père qui est perdu. Ce roman est celui de leur reconstruction alors que tout s’écroule alentour. Il s’agit plus de psychologie que de survie. Si vous voulez du post-apo, passez votre chemin.
Antoine m’a longtemps mise mal à l’aise. Il observe, agit peu et, de mon point de vue, ne s’intéresse pas à ce qui est réellement important. Il se laisse porter, ses choix n’en sont jamais vraiment. Puis, surtout, j’étais en colère contre ce père négligeant qui n’assume pas ses responsabilités.
Quant à Chloé, personnage fluctuant s’il en est, je n’ai pas réussi à m’attacher à elle plus qu’à son père. Elle oscille entre l’enfant capricieuse et la jeune femme bien trop mâture pour son âge. Elle est intelligente, un brin manipulatrice. Elle garde en elle beaucoup de rancœur. C’est un personnage complexe, très bien mis en scène.
La façon dont ces personnages sont exploités peut surprendre. On adhère ou pas. Pour moi, c’est une rencontre ratée, même si j’apprécie en général les récits initiatiques très axés sur la psychologie. Néanmoins, ce roman possède de nombreuses qualités. Le style est parfois très onirique, donnant l’impression que l’on peut se réveiller à tout moment. L’auteur a su rendre son récit visuel, voire photographique, tout en laissant filtrer les émotions. L’écriture est poétique et intimiste. Les souvenirs des personnages mijotent à la chaleur de ce monde déclinant tandis que l’on voyage à leurs côtés, entre espoir et renoncement. Le road trip commence assez tard, mais ce n’est pas important. Le récit est initiatique même dans l’immobilisme des personnages.
Il est toujours difficile d’expliquer à quel point un roman est bon quand on ne l’a pas aimé soi-même. C’est pourtant le cas pour celui-ci. La faute m’incombe. Cette lecture m’a souvent dérangée, parfois découragée. La réflexion sur la manipulation de la mémoire et des souvenirs, l’aspect très onirique de certaines scènes, m’ont beaucoup plu, mais pas la personnalité des personnages qui pourtant sortent des sentiers battus. Je n’ai pas cru à leur relation chaotique ni à leur histoire et j’en suis désolée car ce roman mérite de trouver son lectorat et d’être apprécié à sa juste valeur.

Découvrez également les avis de Chani, Cornwall et Mariejuliet.

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Un roman de Carole Martinez, publié chez Gallimard. Il est ici question de la version audio, lue par Geneviève Casile et Adeline d’Hermy.

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Présentation de l’éditeur :

Blanche est morte en 1361 à l’âge de douze ans, mais elle a tant vieilli par-delà la mort ! La vieille âme qu’elle est devenue aurait tout oublié de sa courte existence si la petite fille qu’elle a été ne la hantait pas. Vieille âme et petite fille partagent la même tombe et leurs récits alternent. L’enfance se raconte au présent et la vieillesse s’émerveille, s’étonne, se revoit vêtue des plus beaux habits qui soient et conduite par son père dans la forêt sans savoir ce qui l’y attend. Veut-on l’offrir au diable filou pour que les temps de misère cessent, que les récoltes ne pourrissent plus et que le mal noir qui a emporté sa mère en même temps que la moitié du monde ne revienne jamais ?

Par la force d’une écriture cruelle, sensuelle et poétique à la fois, Carole Martinez laisse Blanche tisser les orties de son enfance et recoudre son destin. Nous retrouvons son univers si singulier, où la magie et le songe côtoient la violence et la truculence charnelles, toujours à l’orée du rêve mais deux siècles plus tard, dans ce domaine des Murmures qui était le cadre de son précédent roman.

En décembre, une blessure à l’œil m’a contrainte à me passer de lecture. Alors, pour me tenir compagnie, j’ai opté pour un livre audio. Ceux de Carole Martinez sont toujours agréables à écouter comme à lire. Elle est une conteuse et de ses mots émane un souffle particulier, une mélodie sensuelle qui emporte le lecteur à travers le temps et l’espace, au cœur de ce réalisme magique qui semble toujours si familier, si naturel. Elle donne à ses récits la saveur des légendes, des chansons et des songes. Celui-ci en est encore plus empreint que les précédents.
La Terre qui penche nous ramène aux Murmures, bien après Esclarmonde, et il n’est pas nécessaire de connaître l’histoire de la recluse pour apprécier celle de Blanche. On retrouve toutefois une figure connue que, pour ma part, j’aime beaucoup. J’ai été heureuse de revenir sur mes pas, dans un décor à la fois neuf et familier, d’écouter les voix de la narratrice, de me sentir chez moi à ses côtés. Peu à peu mon cœur s’est mis à battre à l’unisson de celui de Blanche, même si elle m’agaçait parfois. J’ai espéré pour elle et j’ai tremblé pour elle. Je me suis glissée dans cette histoire, récit initiatique tout de contes entremêlé, et me suis pelotonnée près des personnages. J’ai oublié que j’étais adulte pour, de nouveau, grandir avec Blanche.
Elles sont deux à nous conter une même histoire, la vieille et l’enfant qui furent Blanche. Les errements de la vieille âme nous ramènent à son enfance, elle est sagace, mais sa pensée s’effiloche, alors que l’enfant, elle, suit le cours de sa vie comme si elle s’y trouvait encore. Elles se complètent, se répondent, entortillent les brins de laine de l’histoire au rythme de la fusaïole que meuvent leurs voix pour en former le fil.
Blanche a des peurs d’enfant et des aspirations de femme. Elle se trouve à la frontière, cet âge difficile où l’on n’est plus une petite fille et pas encore une adulte. Elle est chardon, elle est eau vive, elle est minute, une fillette qui a grandi sans mère et sans amour, mais qui veut apprendre à lire, savoir écrire son nom et prendre ainsi les rênes de son destin. À bien des égards, ce personnage est touchant, mais il n’est pas le seul.
Carole Martinez crée des personnages extrêmement vivants à la personnalité complexe. Ce sont surtout des figures féminines, fortes, émouvantes ou inspirant la pitié. Elles forment une ronde serrée qui n’éclipse toutefois pas totalement les hommes. Et si Du domaine des Murmures malmenait la figure paternelle, La Terre qui penche nous offre au contraire un père merveilleux, entre autres personnages masculins remarquables.
Mais c’est avant tout l’histoire de Blanche, de la fin de son enfance et de sa volonté de vivre en ces temps difficiles où l’on craignait la peste qui avait décimé le monde. L’Histoire côtoie la magie ; les loups et le diable, les sorcières et les fées ne sont jamais loin pour qui veut les voir.
J’ai tellement aimé ce roman ! Sa magie demeure encore un peu à mes côtés.
En ce qui concerne la version audio, j’ai eu un peu de mal avec la comédienne qui incarne la jeune fille. Elle tombe souvent dans la litanie et prive les personnages de leurs intonations. Au bout d’un moment, cela devient franchement agaçant. Toutefois, ce roman est agréable à écouter et je préfère cela aux lecteurs qui essaient, avec plus ou moins de subtilité, de changer leur voix pour les personnages secondaires.
La Terre qui penche est un beau texte, poétique, vivant, fantasque et je vous le conseille ainsi que les autres ouvrages de Carole Martinez.

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