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Posts Tagged ‘échos mythiques’

Un roman de Vanessa Terral publié chez Pygmalion.

 

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Présentation de l’éditeur :

« Puis elle le vit L’individu qui l’observait se tenait en retrait, à l’opposé de la pièce. Il ne cherchait pas à se fondre dans l’assemblée des gens bien nés. D’ailleurs, ceux-ci l’évitaient. C’était presque imperceptible, mais le flot des civilités s’écartait de lui dans une valse consommée. » En cet été 1814, Marie-Constance de Varages, marquise du bourg d’Allemagne, et son héritière, Anne-Hélène, sont conviées au bal du comte de Forcalquier. Si une telle invitation ne se refuse pas, la marquise est inquiète. Quelques mois auparavant, sa fille a souffert d’un mal funeste et été sauvée in extremis. Depuis, elle n’est plus tout à fait la même… Quelle est donc cette ombre qui plane sur Anne-Hélène ? Et pourquoi le mystérieux Lazare, baron d’Oppedette, semble-t-il soudain subjugué par la jeune débutante ?

Avec ce nouveau roman, Vanessa Terral nous propose une romance historique nimbée de fantastique. Les malédictions des personnages s’y entremêlent dans la trame tissée par la Masco, un groupe de trois sorcières rappelant à la fois les Moires et la puissante Hécate.
Le Gardien de la Source est une transposition au XIXe siècle du mythe de l’enlèvement de Perséphone. L’autrice s’est glissée entre les mailles de l’Histoire, faisant d’elle sa complice. Elle a su trouver la période parfaite pour y inscrire son récit. De la mode au climat, tout semblait prêt à accueillir le mythe et cela en renforce le charme.
J’ai un faible pour les mythes de descentes aux Enfers et particulièrement pour celui de Perséphone et sa romance avec Hadès. C’est une histoire que je connais bien, dans ses nombreuses versions comme son symbolisme. Le Gardien de la Source en est un parfait écho, une réécriture très fine et réfléchie qui, si elle a sa propre personnalité, ne laisse rien au hasard et reprend le moindre détail de l’histoire d’origine. Les noms des personnages sont très significatifs, leurs occupations et caractères en parfait accord avec les dieux qu’ils incarnent. Leur histoire familiale et le biais permettant de les réunir sont à la fois très logiques et évocateurs. Tout ici rappelle le mythe et ce fut un plaisir d’attraper les références au vol. L’auteur fait preuve d’une grande érudition, en plus de la poésie de son écriture. Pour ne citer qu’un exemple, les détails botaniques, pour anodins qu’ils puissent paraître, sont eux aussi très importants pour qui sait les décrypter.
Le déroulement complet du mythe est repris et étoffé. On voit clairement l’évolution d’Anne-Hélène, de Koré, la jeune fille, à la vénéneuse Perséphone. De l’agnelle à la nielle, en somme… Et la personnalité de Lazare rappelle en tous points celle du dieu qu’il incarne. Même les personnages secondaires ne sont pas oubliés. On croise entre ces pages, entre autres déités, Hermès, Dionysos, Adonis… Tous fidèles à leur nature.
On sent que cet ouvrage a demandé beaucoup de recherches et de méthode. Dans les romances historiques, le contexte n’est bien souvent qu’un grossier décor de carton-pâte qui ne convainc personne. Ce n’est pas le cas ici, bien au contraire. Vanessa Terral a respecté les codes et les événements de la période qu’elle a si justement choisie et en a nourri son intrigue. Elle a su se servir de toutes les possibilités que lui offrait ce début de XIXe siècle et les doser afin que son roman ne devienne ni une illusion falote ni un ennuyeux guide historique.
Cependant, si la transposition à l’époque napoléonienne est réussie, je ne suis pas parvenue à me détacher du mythe d’origine. Je le cherchais derrière les mots, dans les détails et les multiples références qui sous-tendent le récit. Au final, je ne sais pas si c’est une bonne ou une mauvaise chose. Il est tout à fait possible de lire ce roman sans connaître du tout, ou alors bien peu, l’histoire de Perséphone et Hadès, cependant je trouve que ce serait fort dommage tant la réécriture est pointue. Cette connaissance du mythe offre une double lecture très intéressante. Mais, en s’attachant trop à celui-ci, ne met-on pas de côté la personnalité propre du roman ?
Quoi qu’il en soit, le Mystère de Perséphone s’accomplit dans ce récit et c’est déjà beaucoup. Si vous aimez ce mythe, je ne peux que vous encourager à lire Le Gardien de la Source.

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Un ouvrage publié chez Mnémos et composé par le Collectif Jadis (c’est mieux expliqué sur le site de l’éditeur que je ne pourrais le faire moi-même).

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Présentation de l’éditeur :

UNE VILLE INFINIE

JADIS, un monde urbain où se succèdent à perte de vue jardins, ruines et palais à l’architecture fantasque inspirée de la Renaissance…

JADIS, la cité aux mille vies où chacun peut défier Dame Fortune, tisseuse du destin, pour gravir la Pyramide des Fanfreluches.

En ce jour, Maestro, le célèbre artiste, a convoqué trente plumes des plus affûtées. Son défi : que chacune narre la plus extraordinaire et la plus mouvementée des aventures qu’il lui ait été donné de vivre !

UN JEU LITTERAIRE

Charlotte Bousquet, Mathieu Gaborit, Régis Antoine Jaulin et Raphaël Granier de Cassagnac ont choisi un personnage parmi les trente dessinés par Nicolas Fructus.

Ensemble, ils ont exploré pour vous JADIS.

Pendant un an, ils se sont livrés à un exercice passionnant, poussant loin l’écriture d’un récit à plusieurs mains. Ils ont échangé textes et illustrations, se sont lancé des défis et finalement rencontrés, pour jouer une pièce de théâtre ou se dire la bonne aventure.

De ces échanges est née l’histoire que raconte ce livre. Hommage vibrant aux inventions de Léonard de Vinci, aux récits picaresques de Don Quichotte, autant qu’aux mousquetaires d’Alexandre Dumas, JADIS compose une uvre de fantasy baroque, un livre-monde foisonnant et magnifiquement illustré, un récit aux personnages inoubliables.

4 récits haletants et originaux dont une pièce de théâtre !

Plus de 100 illustrations dont les 22 lames du tarot de Dame Fortune !

« Ami, que tu sois majestès ou hypocritès, ta place dans la Pyramide est déterminée par le fil que Dame Fortune tisse pour toi sur son rouet. S’il vient à se rompre, elle le teindra à nouveau et le remettra sur son ouvrage. Tu reviendras toujours, différent et oublieux de ta vie passée, après autant de petites morts. À moins que tu ne croises la route d’un sieur, et qu’il ne brûle ton fil à jamais… »

Il est vraiment très difficile de parler de cet ouvrage à la fois magnifique et pluriel. Jadis : carnets et souvenirs picaresques de la ville infinie est un livre-univers, décrivant un monde fascinant dans ses moindres détails. Celui-ci prend des allures mythiques, ou en tout cas semble largement nourri de mythologies et de littératures plus que familières. Il a toutefois sa propre personnalité ainsi que son symbolisme qui le rend très évocateur. Connu et inconnu s’entrelacent et créent une impression troublante, comme un rêve en train de s’échapper.
Cependant, Jadis est aussi un récit de destins entremêlés, une intrigue globale aux multiples ramifications. Les personnages en sont les voix. Ils se croisent, s’éloignent, se rejoignent, chacun dévoilant de nouvelles facettes de l’histoire. Les personnages principaux étant chacun écrits par un auteur différent, le lecteur peut apprécier une diversité de styles qui ajoute encore à l’immersion dans cet univers complexe et rend la lecture plus vivante.
Mon protagoniste préféré est Desiderio, à cause de ses ressemblances avec Cyrano, mais tous sont passionnants. On ne s’ennuie pas une minute dans leur sillage.
L’ouvrage est constitué de feuillets épars dans lesquels les héros content leur quête personnelle. Ils sont liés par un événement dont ils ne sont pas sûrs de comprendre l’origine ni le but, mais aussi confrontés à leurs propres démons. En suivant leurs aventures, on découvre la cité de Senanq, mais aussi le monde jadisien dans le détail.
Un lexique très complet se trouve en fin d’ouvrage. J’ai, pour ma part, préféré le lire une bonne fois pour toutes que de devoir y revenir sans cesse en cours de lecture. Mais on peut tout à fait suivre sans avoir envie de chercher la moindre référence.
Le récit est organisé en carnets. Les changements de personnages, et donc de fils narratifs, entretiennent le suspense. Cependant, on peut aussi choisir de lire les récits de chaque protagoniste séparément avant d’en venir à la scène finale et l’épilogue. Des notes permettent de remettre tous ces passages dans l’ordre et de les suivre chronologiquement si on le souhaite. Je suis fainéante, je me suis contentée de suivre l’ouvrage de façon linéaire et je ne m’en plains pas, les ruptures temporelles ou narratives ne me gênent pas, bien au contraire. J’ai toutefois apprécié qu’il soit possible de découvrir cette histoire de multiples façons.
L’intrigue est prenante, tissée de meurtres (or, en Jadis les meurtres peuvent avoir plusieurs dimensions) et de mystères. Qui est l’ennemi ? Qui est l’instigateur de tout cela ? Est-ce une manipulation de l’Optimate Maestro, ou bien un simple motif picaresque de Dame Fortune sur sa tapisserie ?
Les illustrations sont magnifiques et très travaillées. Elles ne sont pas qu’un décor et sont parfaitement intégrées au récit. Elles sèment des indices, elles sont aussi importantes que les mots avec lesquels elles forment une fresque grandiose.
La finesse avec laquelle les auteurs et l’illustrateur ont poli leur création est admirable. Jadis : carnets et souvenirs picaresques de la ville infinie est un ouvrage superbe et de très grande qualité, un vrai chef-d’œuvre dont je vous conseille chaleureusement la découverte. L’univers riche qu’ils ont tissé ferait une excellente base pour un jeu de rôle.

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The Truth is a Cave in the Black Mountains est une nouvelle de Neil Gaiman inspirée par un mythe venu des Hébrides.
Il existe une version illustrée par Eddie Campbell, mais on peut aussi la lire dans l’anthologie Stories ou dans le recueil Trigger Warning. Le texte intégral lu par l’auteur est disponible en audiobook, mais c’est du feuilleton radiophonique adapté par Karen Rose que je vais vous entretenir aujourd’hui.
Celui-ci a été diffusé en décembre sur BBC 4 dans l’émission Book at bedtime. Le feuilleton a été découpé en cinq épisodes d’environ quinze minute chacun. Cela nous donne pile la capacité d’un CD et j’espère que celui-ci sortira un jour.
Je n’ai pas encore lu le texte original, donc je ne peux juger de la façon dont la nouvelle a été adaptée et abrégée, mais j’ai pris grand plaisir suivre ces épisodes. Bill Paterson (Ned Gowan dans Outlander) prête sa voix au personnage et nous conte une histoire sombre, pleine de regrets, de colère et de secrets. Il est très agréable à écouter, j’apprécie son accent qui rend le texte particulièrement mélodieux. J’aime beaucoup les adaptations radiophoniques de la BBC qui ne sont jamais sur-jouées.
En écoutant cette nouvelle, j’ai eu l’impression de me retrouver en Écosse, de cheminer sous la pluie avec ces personnages qui ont chacun des choses à cacher. Cette histoire m’a touchée, j’en ai eu des frissons en écoutant le dernier épisode, mais j’aurais tôt fait de trop dévoiler l’intrigue si j’en disais davantage.
Écoutez-la, lisez-la et partez vous aussi à la recherche de la richesse… ou d’autre chose.
Le feuilleton est encore disponible pour une semaine sur le site de la BBC.

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J’avais un bon d’achat sur la boutique des éditions Mythologica, c’était donc l’occasion parfaite pour découvrir quelques nouvelles numériques.
J’ai avant tout opté pour du fantastique car cela reste mon genre de prédilection.

Ces nouvelles ne sont pas disponibles sur toutes les plateformes de téléchargement. Je vous encourage vivement à vous les procurer via le site de l’éditeur.

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La Nuit toutes les Dames sont blanches d’Élodie Meste

Une nouvelle très courte, mais efficace. Elle a connu une première publication dans Ghost stories, une anthologie publiée chez Asgard (que je n’ai toujours pas lue… J’avais dit que je le ferais, d’ailleurs ce ne serait pas une contrainte, mais ce livre joue les fantômes dans ma bibliothèque, j’en suis persuadée !).
Bien évidemment, il s’agit d’une histoire de fantôme. Cependant, l’auteur joue avec les codes du genre et c’est plutôt agréable à lire. Elle intrigue plus qu’elle n’effraie, pourtant l’ambiance est sombre à souhait. Elle l’a écrite pour qu’on la relise une fois la chute découverte et c’est une bonne idée.
J’avais pressenti la fin, du moins en partie, mais cela ne m’a pas gênée. La réinterprétation de cette légende urbaine est très plaisante.

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L’impératrice des gnomes de Pénélope Labruyère

Âmes sensibles s’abstenir !
Si l’Horreur ne se trouvait pas si souvent estampillée Fantastique, cela m’éviterait de tomber sur de telles nouvelles, même si, honnêtement, j’aurais pu me douter de ce qui m’attendait, malgré un résumé de présentation extrêmement succinct. La frontière est mince entre ces deux genres et ce texte-là a clairement basculé du côté le plus obscur…
Je n’ai pas apprécié cette lecture, cependant la qualité du texte n’est pas du tout en cause. Il est très bien écrit, dégueulasse à souhait et si vous aimez ce genre de récits bien crades et suintants, il est fait pour vous. Moi, par contre, je ne suis pas cliente et j’ai pourtant le cœur suffisamment accroché à mon goût. J’ai lu des texte violents et immondes par le passé, mais j’ai beaucoup de mal avec le fait que cette horreur-là ne serve pas un but précis, à part celui de vous retourner l’estomac.

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Hell’s Hope de Delphine Imbert

Les textes signés Delphine Imbert sont fort rares et je suis toujours ravie quand j’en découvre un. Si j’aime suivre cette auteur, c’est parce qu’elle a une Voix particulière. En plus d’un beau style, elle met de la profondeur, de l’humanité dans ses écrits.
Cette nouvelle-ci ne fait pas exception à la règle. Elle est magnifique, sombre, passionnante et, bien sûr, magnifiquement écrite. Le fantastique s’y insinue peu à peu, pour flirter ensuite avec la fantasy, mais ce n’est pas cela le plus important.
J’ai été bouleversée par le personnage principal, jeune femme à la fois fragile et forte, intelligente, sensible, mais en demi-teinte. Hope est complexe, cependant l’auteur arrive à nous la rendre accessible en bien peu de pages. Son histoire est troublante et laisse une grande part à l’imagination du lecteur, sans pourtant donner l’impression qu’il aurait fallu la développer davantage.
Ce texte mérite largement la mention coup de cœur.

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Le tribunal des corbeaux de Delphine Imbert

J’aime les corbeaux et les écrits de Delphine Imbert, ceci pourrait être aussi simple que cela, mais j’aimerais savoir comment faire passer, en quelques phrases, toutes les émotions que cette lecture m’a procurées. J’en frissonne encore.
Le texte est magnifique, poétique, mais pour être franche je n’en attendais pas moins venant de cet auteur. L’histoire m’a également interpellée, mais semble bien difficile à résumer. Je tiens à vous laisser le plaisir de la découverte.
Cette nouvelle est riche de symbolisme et réveille des échos dans ma mémoire. D’anciennes lectures tourbillonnaient dans ma tête, me rapprochant inexorablement du personnage, attisant l’empathie comme l’immersion dans le récit.
C’est de l’excellent fantastique et encore un autre coup de cœur.

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Contes des temps d’avant Noël de Nathalie Dau

Avant Noël et même avant Yule, les mythes étaient tout neufs et se prélassaient sous le soleil d’un monde plus jeune. Ils aidaient l’humanité à appréhender son environnement par le symbole. J’ai une tendresse particulière pour eux car ils sont le terreau de notre imaginaire. Cela, Nathalie Dau l’a bien compris. Ses écrits sont toujours nourris de mythes, de contes, de légendes, tout en ayant leur propre originalité.
Avec ce récit, elle nous offre l’un de ces mythes prompts à révéler des souvenirs enfouis. Elle conte à merveille l’une des nombreuses facettes de Yule, mais également de Noël, car tout est lié.
J’ai souri tout au long de ma lecture. Ce conte est superbe et peut être lu à tout âge. Je dirais même qu’il a été écrit pour être partagé, lisez-le donc à vos enfants, de préférence en décembre.

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Un très bel album de 146 pages, écrit et illustré par Hélène Larbaigt et publié chez Mnémos dans la collection Ourobores.

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Présentation de l’éditeur :

Préface de Claudine Glot, postface de Pierre Dubois

Grouillant et grinçant, tel un concert de voix dissonantes, il s’avance.
L’Étrange Cabaret, le cirque des curiosités, le spectacle de monstres chimériques, le music-hall des fées désenchantées.

Oserez-vous franchir ses lourdes tentures pourpres pour assister au plus dangereux et déli­cieux des spectacles ?
Voyagez avec les fées de la Belle Époque, dans les cités du Vieux et du Nouveau Monde, mais méfiez-vous, le Cabaret recèle des secrets qui vous envoûteront… Que s’est-il passé dans la loge 633 que l’on dit hantée, où une fée fut assassinée ? Que cherche réellement Morte Vanité, elle qui fait errer le Cabaret à travers le monde entier ?

Dans une ambiance steampunk, Art nouveau et burlesque, Hélène Larbaigt nous livre une œuvre étonnante entre Lewis Caroll et Tim Burton.
À la fois récits, portraits et contes, ce livre dévoile 12 fées sombres et mystérieuses au travers de plus de 80 magnifiques illustrations, affiches, menus et documents facsimilés.

Helène Larbaigt nous montre son immense talent dans ce très beau livre enchanteur. Une prouesse et la révélation d’une artiste complète qu’ont immédiatement salués dans leurs préface et postface, Claudine Glot et Pierre Dubois, les deux grands spécialistes des fées.

L’Étrange cabaret est un magnifique livre illustré, cartonné.


« Mortels, entendez-vous cet écho lointain ? C’est la maléficiante mélopée d’un mélancolique cabaret. »

Magnifiques, envoûtants, sombres, déliquescents, marqués du sceau de la fatalité à tous les égards, ainsi se présentent à vos yeux ébahis l’Étrange Cabaret et ses fées désenchantées ! Morte Vanité, la sublime, avec sa troupe de fées écorchées, ses insolites serviteurs et son Cabaret qui change de forme et de lieu à l’envi, vient pour enchanter les humains ou les perdre, allez savoir…
Dans notre monde désenchanté, où la magie se fait rare et se paie au prix fort, le Cabaret apparaît comme l’un des derniers vestiges, à la fois désuet et résistant, d’une autre époque, plus féerique, plus vivante. Il est le refuge des fées perdues, malmenées, désavouées autant que désabusées et les âmes humaines viennent s’y brûler comme de fragiles papillons attirés par la lumière.
Le goût du détail d’Hélène Larbaigt, dans le dessin comme dans le texte, est acéré et ravira le lecteur exigeant. Le vocabulaire est recherché, précis et précieux à la fois, tout en finesse, pour affermir l’aspect suranné des histoires qui nous sont ici contées et rehausser leur écrin de couleurs.
Élégant, raffiné, l’Étrange Cabaret a été poli avec soin par son auteur qui en a fait une vraie merveille, délicieuse à feuilleter, mais également à lire. Suçant la moelle des légendes qui sont elles-mêmes des mythes tronqués, le cabaret se nourrit de notre imaginaire et nous le restitue de manière forte et évocatrice, faisant ainsi revivre à sa façon de vieilles histoires, éveillant des échos dans nos mémoires de rêveurs engourdis.
Des affiches, programmes, menus jalonnent les pages et renforcent l’ambiance ainsi que la cohérence de cet univers, tout en lui ajoutant une esthétique élégante. L’auteur nous présente certaines des fées, les têtes d’affiche pourrait-on dire, nous raconte leur naissance, ce qui les a amenées au cabaret ou d’autres mésaventures qui leurs sont arrivées en cours de route. Toutefois, prenez garde, aucun détail n’est laissé au hasard, il y a des strates dans ces récits et il ne tient qu’à vous de les explorer.
J’ai particulièrement aimé le conte de Noël et la magie, si bien retranscrite, de la ville de Prague qui y est dépeinte. Cependant, toutes ces histoires, ces belles et tristes vies de fées, sont magnifiques et émouvantes. Toutes m’ont séduite et passionnée. Vous aussi, venez à la rencontre d’Ona Oknata et de sa destinée aussi remarquable que cruelle, de Bast la rugissante, de Morte Vanité et du fantôme aux mains rouges qui hante le blanc d’entre les lignes, compatissez aux peines de cœur de Rosie la veuve noire et aux amours maudites de Sa’di… Venez réchauffer votre imagination au brasier de leur féerie !
Je me suis attachée à toutes ces fées bigarrées, abîmées et néanmoins fortes, victimes autant que nous du désenchantement, mais qui se battent pour rester vivantes. En outre se trouve, caché entre les pages, un magnifique hommage à un auteur que j’adore et qui m’a exquisément ravie. Je ne saurais dire quel conte a ma préférence, car tous sont liés et tissent la mélopée, aussi mélancolique soit-elle, de ce fabuleux cabaret.
Petit à petit, entre ces portraits et ces histoires pleines de cachettes et de recoins l’on découvre en filigrane le cabaret lui-même, personnage à part entière, se mouvant comme le château de Hurle pour paraître dans le lieu qui sied à son humeur — ou serait-ce à celle de la mystérieuse fée aux bottines parfumées ? Fantasque, burlesque, peuplé de créatures singulières et fascinantes, il donne envie au lecteur de se perdre dans son univers inquiétant, de suivre la cohorte des Jack pour explorer ses corridors et rencontrer ses fatales pensionnaires.
Comme une enseigne qui brille à l’attention des amateurs qui se reconnaîtront immédiatement, l’ouvrage est préfacé par Claudine Glot, qui donne le ton, et postfacé par Pierre Dubois qui nous reconduit gentiment vers la porte, bien qu’avec une gouaille un peu grimaçante pour la forme.
Une fois la dernière page tournée, l’histoire bue jusqu’à la lie, je me suis sentie bien seule et nostalgique, loin des lumières de ce cabaret brinquebalant et de ses fées tant aimées. Alors dans la nuit je vais guetter l’écho lointain, la maléficiante mélopée d’un mélancolique cabaret et j’invite tous les rêveurs à faire de même.

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Je vous présente Morte Vanité. N’est-elle pas magnifique ?

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